Une vision écologique de la vie inclut la mort

Une vision écologique de la vie inclut la mort

Publié le 06/07/2024 12:56

Le cycle de vie et de mort est un fondement même de l’écologie scientifique et de toute vie. La complexité des écosystèmes est une merveille de sophistication qu’on ne bouscule pas impunément.
Or notre mode de vie actuel est basé sur une vision linéaire : la société de croissance industrielle repose sur l’extraction, l’exploitation et la prédation de ressources naturelles et génère des déchets en bout de chaîne, et ça nous mène droit dans le mur climatique et sanitaire.
Je trouve que certains EHPAD ont un air triste de déconnexion de la vie et de la joie. Il me semble lié à l'oubli du cycle de vie : tant celui des « ressources » (minérales, végétales…) que celui des humains. Et que dire des animaux considérés comme matière première…

Il s’agit d’évoluer vers une vision naturelle de la vie, pas de vie sans naissance et sans mort. Il est grand temps de construire collectivement un traitement plus sain de ces grands passages, et pour notre corps, notre santé, notre autonomie, notre dignité… à tout âge, même quand on est hospitalisé ou interné.

C’est aussi l’affirmation d’une approche organique de la vieillesse, de la mort et du deuil, une approche de bon sens à laquelle aspire de plus en plus la population.

« La vieillesse est un privilège réservé aux humains. Il nous faut l’apprivoiser »
dit le gériatre Olivier de Ladoucette dans un bel article très riche de sens.

Le tabou de la mort est entretenu par notre société de consommation-consolation, qui exploite notre peur de mourir, à force de jeunisme, d’anti-âge et jusqu’au transhumanisme. Les mythes du progrès, de la croissance et de l’homme maître et seigneur de la nature ont mené une partie de l'humanité à la tentation de contrôler vie et mort.
Nous sommes conditionnés malgré nous par des dogmes et des pratiques liés aux logiques guerrières, destructrices et prédatrices ainsi que par l’exaltation de la performance, de la concurrence et du pouvoir sur les autres.

Or ces mythes et ces dogmes montrent leurs limites et même leur nocivité ; ils nous portent à détruire notre propre milieu de vie et nos ressources vitales.

L’effort de libération mentale est sans cesse à renouveler, et il est de plus en plus facile au fil de la pratique, car il est gratifiant.

Nous pouvons écologiser la santé, à commencer par la prévention au sens large : hygiène de vie, stimulations, culture de paix et de joie… Les médecines et thérapies naturelles obtiennent des résultats très complémentaires par rapport à ceux de la chirurgie et de la chimie. Pourquoi nous priver des unes ou des autres ?

De même, l’industrialisation outrancière de l'agriculture ruine les sols et mine notre santé et celle du vivant, alors que la polyculture au naturel a prouvé dans le monde entier être plus productive à l’hectare, tout en respectant le cycle de vie, et la dignité des paysans et des consommateurs. De plus, notre aliment est notre première médecine, comme avait déjà compris Hippocrate.

Concernant notre rapport au corps médical, nous pouvons faire valoir les nouveaux droits des patients acquis en 2016, ce qui veut dire prendre le temps de rédiger nos directives anticipées, désigner notre personne de confiance, et aider nos proches à en faire autant. C’est une étape courageuse pour laquelle l’entraide est précieuse voire nécessaire, c’est pourquoi j’anime des ateliers sur ce thème, en créant un cadre qui facilite cette démarche. La lucidité et le courage sont de précieux alliés ! 

Une approche écologique de la mort, c’est en outre, sans attendre un décès, s’informer sur les choix limités qu’offrent les pompes funèbres et les lois actuelles, afin de choisir en connaissance de cause (par exemple ne pas systématiser les « soins de conservation » c'est-à-dire la thanatopraxie, officiellement « traitements invasifs » au bilan écologique très lourd). Incinération et inhumation partagent ce lourd impact négatif.

L’humusation ou terramation, à l'étude en Belgique et plus récemment en France, est le seul procédé naturel capable de rendre notre corps à la terre grâce à un compostage très approprié dans un tumulus propice au recueillement et aux hommages.

En conclusion, je nous propose d’incarner la dimension écologique et écologiste :

  • Assumer notre interdépendance, même avec les virus et les bactéries,
  • Regarder la réalité en face avec ses ombres, reconnaitre notre caractère mortel et nous réconcilier avec notre fragilité : c’est libérateur.
  • Réhabiliter la mort pour réhabiliter la vie : le déni de la mort empêche de vivre pleinement la vie, par peur de la perdre et par occultation d’un pan de la vie.

Réhabiliter la mort pour rassembler, apaiser,
et favoriser le bien vivre ensemble !